La Thérapie par la danse et le mouvement : entre corps, mouvement et parole

La Thérapie par la danse et le mouvement : entre corps, mouvement et parole

Le processus thérapeutique est accompagné tout au long des séances d’une démarche d’enseignement de pratiques corporelles qui permettront à la patiente d’harmoniser ses comportements aux moments de stress et d’angoisse.

Les techniques de respiration, de visualisation et d’imagination, l’écoute du corps, l’apprentissage d’un rythme harmonieux de contraction et détente et l’expression à travers le mouvement dansé, visent à lui permette l’acquisition d’une connaissance du corps et une sensation de contrôle de soi.

Les habitudes gestuelles sont un langage corporel qui raconte la manière dont l’individu s’est adapté à la vie dans son environnement et la façon dont il gère ses forces intérieures.

Un des avantages principaux que présente le travail à travers le corps est la possibilité d’inscrire de nouvelles habitudes dans la mémoire à la fois corporelle et émotionnelle.

La capacité de libérer les contractions musculaires, de s’abstenir d’un effort superflu tout en conservant les forces du corps, adoucit l’effort autant physique que psychique qu’exigent les différentes situations de vie.

Les exercices proposés sont simples et n’exigent pas la présence du thérapeute pour être utilisés, tout en ayant une résonance bénéfique à tous les nivaux de l’organisme.

La thérapeute met en place un cadre thérapeutique où le corps se trouve au centre de l’expression, de la communication et de la relation thérapeutique.

Cela se fait à travers des exercices d’échauffement qui permettent au patient de trouver un équilibre, des points de repères dans l’espace et de poser la carte du corps.

Dans chaque séance, nous pouvons observer le mouvement entre la parole et le corps ; la thérapeute invite à recourir au registre corporel et à l’expression gestuelle qui permettront un rythme équilibré entre la pulsion et l’émotion, la décharge à travers la parole et le mouvement, pour aboutir à la détente.

Au cours de la séance de DMT, l’expérience corporelle se passe souvent sans parole, le mouvement silencieux permet aux souvenirs de remonter de l’inconscient et de communiquer consciemment avec les processus du moment dans le corps.

Le mouvement-dansé est un processus de libre association au niveau mental, sensoriel, corporel.

Le transfert se passe au niveau corps-mouvement entre le patient et le thérapeute[1].

A un certain moment du traitement pour que cette force vitale se transforme d’une énergie sensuelle-gestuelle en chaîne de pensée, il faut qu’il se passe un processus de prise de conscience, ce passage crée la structuration de l’expérience corporelle sous forme de langage verbal et permet de la penser et d’en discuter.

Quand l’expression corporelle est ample le langage gestuel et le langage verbal s’intègrent et se complètent[2].

Ainsi lorsque nous rapprochons le corps et la parole à travers le mouvement dansé, nous associons les capacités de l’être à s’exprimer en harmonie corps-émotion-pensée-esprit. Ces processus répondent aux besoins du patient d’une expérience engageant l’être dans son entier et lui offrent un outil pour entrer et agir en lui-même.

 

Bibliographie

Chace, M., “Dance as adjunctive therapy with hospitalized patients”, Bulletin of the Menninger Clinic no. 17, 1953.

Modlinger, I., Dans un autre langage, Hapoalim, Tel Aviv, 1997.

Serlin, I.,”The dialogue of mouvement”, in Integration exercise, sports, movement and mind : Therapeutic unity, The Haworth Press, New York, 1998.

Whithouse, M.S., “Physical Mouvement and Personality”, Analitical Psychologie Club, Los Angeles 1963

[1] I. Serlin,” The dialogue of mouvement”, in Integration exercise, sports, movement and mind : Therapeutic unity, The Haworth Press, New York, 1998.

[2] I. Modlinger, Dans un autre langage, Tel Aviv, Hapoalim, 1997. (Nous traduisons ainsi le titre d’un livre qui a été  écrit en Hébreu n’a pas été traduit.)

Descartes : le mouvement est l’expression de l’histoire de l’âme au niveau individuel

Descartes : le mouvement est l’expression de l’histoire de l’âme au niveau individuel

Dans un monde sans vide, tel que le conçoit Descartes, toutes les portions de la matière se pressent les unes contre les autres, créant une chaîne de réactions continues qui donnent aux corps leur forme.

C’est l’arrangement (la « disposition ») des organes qui impose la forme et qui permet à un corps de se mouvoir.

Pour autant, l’utilisation du modèle mécaniste présente des limites particulièrement sensibles lorsqu’il s’agit d’éclairer le corps humain car celui-ci est étroitement « joint et uni » à une âme qui lui donne son unité.

C’est parce que, dans les faits, le corps vivant de l’homme ne se dissocie jamais de l’âme à laquelle il est uni qu’il n’est pas seulement un corps, même si, d’un point de vue ontologique, on parle bien de deux substances distinctes.

Le corps humain, pour sa part, entretient un lien particulier avec son âme à telle enseigne que là où l’histoire individuelle intervient, elle infléchit le cours des opérations strictement mécaniques, ce qui conduit à remplacer la notion de réflexe par celle d’habitude[1].

Ces habitudes seront les lignes de caractère singulières caractérisant le mouvement de chaque corps, elles sont configurées par l’histoire de la rencontre du corps à travers son âme avec les événements de vie, tels qu’ils sont enregistrés dans la forme corporelle.

Autrement dit : Le mouvement est l’expression de l’âme au niveau individuel.

 

Bibliographie :

Descartes, R., “Traité de l’homme”, Œuvre philosophique, Bordas, Classiques Garnier, Paris, 1988.

[1] R. Descartes, “Traité de l’homme”, Œuvre philosophique, Bordas, Classiques Garnier, Paris, 1988.

Freud : le schéma topique entre corps et psyché.

Freud : le schéma topique entre corps et psyché.

Qu’est ce qu’est un acte psychique ?

L’homme est exposé à partir de sa naissance à des excitations de deux origines, celles provenant de l’intérieur de l’organisme lui- même les excitations pulsionnelles et celles provenant de l’extérieur du corps les excitations physiques qui agissent sur le psychisme.

Laissons de côté les excitations physiques qui engendrent des actes réflexes, pour nous intéresser aux excitations pulsionnelles qui seules permettent de définir l’acte psychique[1].

La nature de la pulsion en tant qu’excitation provoque le besoin de décharge sous forme d’action. L’expression de la pulsion, pour dire la décharge sous forme d’action, est ce que l’on appelle un acte psychique.

Un acte psychique passe par deux (ou trois) phases à l’intérieur de l’appareil psychique, entre lesquels s’interpose la censure[2]

 

La phase inconsciente

Nous ne connaissons cette phase qu’une fois qu’elle a subi une transposition ou une traduction en conscient : ” …la plus grande partie de ce nous nommons connaissance consciente se trouve nécessairement, pendant les plus longues périodes, en état de latence, donc dans un état d’inconscience psychique[3].”

Ces états psychiques latents, inactivés, sont à la portée du Préconscient pour être activés en cas de besoin de fuite motrice. Cette relation corps-psyché entre les états psychiques inconscients et les capacités physiques, est enregistrée dans l’appareil psychique en coexistence.

 

Le Préconscient 

Quand un acte psychique passe l’épreuve de la censure, il est susceptible de devenir conscient, sinon il est refoulé.

Cette phase où émerge la possibilité pour un acte psychique de devenir conscient, est le terrain de travail de la thérapie par la danse et le mouvement.

L’acte du mouvement corporel retire l’acte psychique de la phase inconsciente, mais ne lui donne pas (toujours) l’autorisation de devenir conscient.

Le fait que l’acte est physique, donc en mouvement est toujours le choix du patient.

Le mouvement produit, permet le déplacement ou le réveil du contenu inconscient et lui donne l’énergie, la force, de se présenter à l’épreuve de la censure, en tendant à devenir conscient.

 

La phase consciente 

D’après Freud, une pulsion ne peut jamais devenir objet de la conscience ; seule le peut la représentation qui la représente.

Le mouvement en tant qu’acte psychique

A partir du schéma topique, nous pouvons définir le rôle essentiel de médiateur que remplit le système Préconscient à la jonction de l’excitation pulsionnelle, de la transformation en action et de la traduction en représentation susceptible de devenir objet de la conscience : “Le système Préconscient s’est emparé de l’accès à la conscience et à la motricité.

A lui seul, le système Inconscient ne saurait mener dans des conditions normales aucune action musculaire, à l’exception de celles organisées sous forme de réflexes[4].”

Notre hypothèse est la suivante : La décharge physique de la pulsion accompagnée de l’affect coïncide avec le mouvement corporel dans sa fonction en tant qu’acte psychique.

Ce que nous nommons, en thérapie par le mouvement, le mouvement-émotionnel[5] est le mouvement lié à l’affect qui intègre la pulsion dans son état psychique inconscient à travers la décharge physique et les sensations.

 

Bibliographie

Freud, S., Métapsychologie, trad. Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, Folio essais, Paris, 1968.

[1] S. Freud, Métapsychologie, trad. Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, Folio essais, Paris, 1968.

[2] Ibid, p. 76.

[3] Ibid, p.67.

[4] Ibid, p.97.

[5] Les termes ‘mouvement’ et ‘émotion’ dérivent de la même racine latine : “movere”.

Aristote : le mouvement du corps est l’expression de l’âme.

Aristote : le mouvement du corps est l’expression de l’âme.

L’organisation corporelle des êtres vivants détaillée par Aristote dans l’Histoire des animaux[1], présente le corps humain comme une symétrie rationnelle, déployée dans trois directions ayant chacune deux sens opposés ; un haut et un bas, un devant et un derrière, un coté droit et un coté gauche.

La grandeur de l’homme se trouve dans son corps « aligné » sur le monde, lequel fixe un haut et un bas objectifs : l’homme converge ainsi avec l’ordre naturel de l’univers.

Le mouvement est analysé, tout d’abord dans La Marche des animaux[2], où Aristote classe les modes de locomotion, puis dans Le mouvement des animaux[3], où il s’attache davantage à l’origine du mouvement, au problème de savoir comment l’âme met en mouvement le corps.

Il insiste sur le primat de la forme sur la matière, tout en précisant qu’un cadavre privé d’âme, n’est pas un corps.

Pour ce philosophe, le mouvement du corps (la forme) est l’expression de l’âme à travers le corps, en ce qu’ils constituent ensemble une unité.

Ce corps est la manifestation de chaque âme à travers son corps, et se traduit sous forme de caractère individuel tout en suivant les règles mécanico-physiques du corps                                                                                                     

 

Bibliographie

Aristote, Histoire des animaux, trad. P. Louis, Les Belles Lettres, Paris, 1964.

Aristote, La Marche des animaux, trad. P. Louis, Les Belles Lettres, Paris, 1973.

Aristote, Le Mouvement des animaux, trad. P. Louis, Paris, Les Belles Lettre, Paris, 1973.

[1] Aristote, Histoire des animaux, trad. P. Louis, Les Belles Lettres, Paris, 1964.

[2] Aristote, La Marche des animaux, trad. P. Louis, Les Belles Lettres, Paris, 1973.

[3] Aristote, Le Mouvement des animaux, trad. P. Louis, Les Belles Lettre, Paris, 1973.

La clinique de thérapie par la danse et le mouvement (DMT)

La clinique de thérapie par la danse et le mouvement (DMT)

La technique de DMT

Une séance individuelle de DMT passe généralement par quatre phases :

Le patient arrive et raconte ce qui le préoccupe. Après une phase essentielle d’échauffement ou il est dirigé dans la prise de conscience de son propre corps, il est invité à raconter cette fois à travers la médiation du mouvement libre ce qui lui est arrivé, avec le support d’une musique ou non.

Dans cette phase le thérapeute peut soit accompagner le mouvement en miroir (mirroring), soit en être le spectateur-témoin (Witnessing).

Vient ensuite une phase où le patient exprime cette fois dans la parole ce qu’il a vécu pendant la danse. Cet enchaînement des moments peut se répéter plusieurs fois dans une séance.

La phase de verbalisation qui suit l’expérience du mouvement-émotionnel est guidée par la consigne de l’association libre formulée par Freud pour la pratique psychanalytique.

Tout comme le patient « tombe » sur une « formation de pensées[1]», il tombe sur une formation de mouvement corporel.

Le but du travail avec le mouvement dansé n’est pas seulement de réveiller ou refléter la vie intérieure du patient mais de l’encourager à s’éprouver en action.

Le rôle du thérapeute est d’aider le patient dans la construction et l’enrichissement des relations entre son corps et son esprit[2]

La clinique de thérapie par la danse et le mouvement (DMT)

Anamnèse 

Annette, âgée de vingt-huit ans, souffre d’un trouble anxieux dépressif. Elle est prise en charge par le service de psychiatrie et est traitée dans le cadre de l’hôpital de jour.

A l’âge de vingt-sept ans, un diagnostic de cancer de sein est posé. Après une opération pour enlever la tumeur et les ganglions axillaires, elle suit un traitement chimiothérapique pendant une année.

Elle est aussi traitée par 300 mg de Favoxil par jour et par des médicaments hormonaux.

Le traitement en thérapie par la danse et le mouvement débute à la fin de cette année de traitement.

Les séances ont lieu une fois par semaine et durant une heure, ceci pendant un an.

 

Vignette clinique : La forêt d’Annette.

Nous rapportons ici non pas la première mais la deuxième séance.

Annette arrive très excitée. Elle raconte que, le lendemain, sa grand-mère doit passer un examen à l’hôpital: pour se préparer il faut qu’elle boive trois litres d’un liquide “dégoûtant”.

Elle, m’explique qu’elle sait à quel point le liquide qu’il faut boire est mauvais, étant donné qu’elle-même a fait ce même examen l’année dernière, une semaine après avoir reçu le diagnostic du cancer.

Elle prétend être angoissée essentiellement par le goût du liquide (pour sa grand-mère), et non pas les résultats de l’examen; elle ne comprend pas pourquoi ses grands-parents doivent encore souffrir, ils ont assez souffert quand elle était malade.

Elle me regarde et demande : “Alors pourquoi maintenant faut-il souffrir encore ?”.

Annette continue et raconte que, quand elle est angoissée ou quand elle a peur, elle a la nausée ; que son grand-père, quand il s’énerve, court immédiatement aux toilettes: elle pense que la plupart des gens ont la nausée, la diarrhée ou vomissent quand ils sont énervés, angoissés ou qu’ils ont peur.

Elle est certaine que la raison pour laquelle sa grand-mère souffre depuis quelques mois de maux de ventre, est le résultat de toutes les inquiétudes dont elle a souffert pendant qu’elle, Annette, était malade du cancer.

D’après la hiérarchie qu’elle pose, la plus souffrante est la personne malade et après ceux qui l’aiment. D’autant plus que l’examen de sa grand-mère se passe au même hôpital, dans le même service d’oncologie, au même étage où elle a été traitée, seulement à gauche de l’ascenseur.

Silence, elle me regarde d’un air inquiet. Je lui propose une prise de conscience du corps.

Nous nous levons et nous mettons l’une en face de l’autre, toujours très près des chaises ou nous étions assises; une musique lyrique composée pour la méditation nous accompagne.

Nous commençons par un échauffement et nous enracinons les pieds dans la terre (grounding), en créant un espace entre les jambes pour sentir une stabilité.

Nous reposons le bassin au centre de l’équilibre corporel, les genoux détendus, le bas du dos vers l’avant, la colonne vertébrale allongée, la poitrine ouverte, la respiration profonde.

Nous libérons les épaules vers le bas, les bras détendus de chaque côté du corps, le cou souple et la tête droite. Une fois la carte du corps posée et çelui-ci consciemment détendu, nous passons au mouvement dans l’espace

Je marche dans la pièce et elle me suit, nous recherchons un rythme de pas qui nous conviendrait. Ce que nous cherchons est ce qui pourrait nous mettre en mouvement. Annette dit que, pour elle, le redressement se base surtout sur le bas du dos et sur le cou. A un moment, elle dit qu’elle a besoin de se reposer avant de continuer, nous nous rasseyons sur les chaises. Je lui propose de fermer les yeux et de respirer calmement, elle accepte sans résistance et se détend.

Ensuite nous nous relevons et je propose, cette fois, de suivre ses pas et qu’elle me décrive le lieu où nous marchons. Nous sommes dans la forêt, la température est parfaite : 25 degrés, l’ombre est accompagnée de rayons de soleil. Il n’y pas de branches jusqu’à la hauteur des arbres, nous marchons entre les troncs  en écartant des buissons pour créer le chemin. Les arbres ne sont pas trop grands, ils sont jeunes. Il n’y a pas de quoi avoir peur dans cette forêt, la promenade est très agréable.

Quand la promenade se termine nous nous rasseyons, Annette ressent une vague de chaleur, elle est toute rouge. Je lui propose de penser à des choses froides qu’elle aime ; Annette nomme l’eau froide, le jeu et la glace au yaourt et aux mûres.

Je propose un exercice de respiration : trois respirations froides, arrêt et ensuite on recommence.

Ça marche. Annette me demande comment j’ai fait disparaître la bouffée de chaleur : “C’est stupide d’avoir des bouffées de chaleurs à mon âge, je pensais toujours que seulement les femmes âgées en souffraient, mais les médicaments font cet effet”.

Nous convenons que chaque fois qu’elle se sentira angoissée, nauséeuse ou stressée, elle va s’arrêter et respirer trois fois profondément ; plus tard elle pourra me raconter si cela l’a aidée.

A la fin de la séance elle a des difficultés à quitter la pièce ; elle prend ses affaires et les repose, se mouche le nez, me redemande combien de fois respirer en cas de stress, reste debout à côté de la porte, dit plusieurs fois au-revoir et à la semaine prochaine, vérifiant si le rendez-vous aura bien lieu et seulement après, sort.

La clinique de thérapie par la danse et le mouvement (DMT)

Discussion

Au cours de cette séance, Annette expose un parallélisme corps-psyché en comparant l’effet corporel des différentes émotions : nausée, diarrhée, vomissement face à l’énervement, l’angoisse et la peur.

Elle met au compte de la grand-mère aujourd’hui malade l’inquiétude comme source de la douleur. Dans les deux cas le corps a pris la relève du psychisme “selon le terme de J.B. Stora”[3].

Le deuxième aspect remarquable dans cette séance est la démarche prise pour aboutir au mouvement : nous commençons par poser et ressentir le corps, trouver les points d’appui et construire un équilibre, pour ensuite pouvoir passer à la recherche de ce que seraient les éléments qui soutiendraient l’équilibre et qui lui permettraient d’utiliser l’espace et le mouvement pour son expression.

Nous pouvons remarquer l’ouverture de l’imaginaire dans la marche dans la forêt suivie de la verbalisation du sentiment de ne pas connaître son corps lors de la première séance.

 

Conclusion

L’importance de l’expression, de la communication et du mouvement pour le bien-être corporel et psychique est devenue un thème central dans le discours occidental contemporain.

La nature symbolique du mouvement permet de se souvenir, de revivre et d’expérimenter des processus émotionnels, tandis que l’intégration des aspects physiques et psychiques promeut une intégration au niveau verbal et non-verbal de la personnalité et encourage la traduction des mémoires et des sensations en mots et pensées.

La thérapie par la danse et le mouvement, se centre sur le langage gestuel et l’expression corporelle comme façons d’élargir le répertoire émotionnel et la construction de la pensée, tout en ouvrant au thérapeute la possibilité de connaitre l’histoire individuelle.

Le langage corporel-gestuel opère comme médiateur entre le corps, les émotions et la pensée, et permet au patient de retrouver un équilibre.

Cette discipline exige du thérapeute une connaissance du corps, du mouvement, de la pratique analytique, et une écoute subtile de lien corps-esprit.

 

Bibliographie

Chace, M., “Dance as adjunctive therapy with hospitalized patients”, Bulletin of the Menninger Clinic no. 17, 1953.

Serlin, I.,”The dialogue of mouvement”, in Integration exercise, sports, movement and mind : Therapeutic unity, The Haworth Press, New York, 1998.

Stora, J.B., Quand le corps prend la relève, Odile Jacob, Paris 1999.

Whithouse, M.S., “Physical Mouvement and Personality”, Analitical Psychologie Club, Los Angeles 1963.

[1] S. Freud, Métapsychologie, op.cit. p. 51.

[2] En utilisant le terme esprit il s’agit d’envelopper le contenu que forme l’unité du corps avec son âme et les possibilités de comportements potentielles.

[3] J.B. Stora, Quand le corps prend la relève, Paris, Odiel Jacob, 1999.

Marian Chace : le mouvement une communication

Marian Chace : le mouvement une communication

Marian Chace, la danseuse

Marian Chace débute sa carrière de danseuse, chorégraphe et enseignante, dans les années 1920 à New York, avec Ted Shawn et Ruth St. Denis dans le cadre de la compagnie Denishawn.

En 1930, elle s’installe à Washington où elle ouvre sa propre école et enseigne les idées et les méthodes qui lui ont été transmises.

Malgré un réel attachement à la scène, son intérêt pour l’enseignement devient de plus en plus prégnant.

Parmi ses élèves, beaucoup ne viennent pas pour devenir danseurs professionnels. Souvent lents et maladroits, ils continuent cependant à assister à son enseignement.

Marian Chace, déçue par leurs difficultés, reste dans un premier temps perplexe face à leur intérêt persistant pour la danse. Puis :

« En observant la communication non-verbale des individus qui prennent leurs premiers cours, j’ai commencé à comprendre et répondre aux besoins pour lesquels ils demandaient de l’aide ».

Au lieu de ressentir de la frustration quand ils ralentissaient les élèves plus habiles, j’ai essayé de compatir avec eux, en tant que personne.

Manifestement, mon enseignement changeait. Inconsciemment, mon attention pour tous les élèves est devenue un support pour eux en tant que personne aussi bien qu’en tant que danseur.

Pendant que les étudiants à l’école trouvaient leur satisfaction de différentes manières, je pense à la période entière des années 30 comme à une intense absorption, pour moi, dans l’étude concernant la communication non-verbale.

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L’approche thérapeutique de Marian Chace

Dans les années quarante, Chace commence à expérimenter la danse thérapie, bien que cette appellation ne soit pas encore utilisée.

Elle travaille parallèlement comme thérapeute et éducatrice, enseignant ses techniques au personnel d’une école pour enfants maltraités et plus tard dans un internat éducatif pour jeunes filles.

En 1942, elle commence à participer bénévolement au St. Elizabeth Hospital à un programme appelé La danse pour la communication, et un an plus tard intègre la Croix Rouge comme salariée.

Durant toute cette période, Chace maintient son double rôle de thérapeute et danseuse :

« Quand j’étais à l’hôpital, je me sentais nécessaire au studio, et quand j’étais au studio je me sentais nécessaire à l’hôpital ».

Sa recherche et son travail thérapeutique sont le prolongement de sa formation à Denishawn. Elle va s’inspirer de Ruth St. Denis qui propose la musique comme structure organisant le travail des danseurs.

On trouve notamment : La musique visualisation, un processus à travers lequel une certaine qualité de la musique est transmise par le mouvement et L’orchestre synchronique, un exercice ou chaque danseur représente un des instruments et va bouger quand celui-ci joue, deviennent des exercices couramment pratiqués.

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Le message humaniste de Marian Chace

Elle a été profondément influencée par les travaux de Sullivan, s’inspirant de son approche humaniste dans le milieu hospitalier. En effet, Sullivan, psychiatre américain, considérait que tout être humain a un désir de communication quelle que soit la gravité de sa pathologie.

Le Docteur Jay Hoffmann, médecin au St. Elizabeth Hospital, commente ainsi la pratique de Chace :

Quand l’on observe ces patients – patients psychotiques très malades – et Madame Chace qui dansent, on a l’impression qu’à travers ce médiateur les patients ont finalement trouvé la possibilité de sortir de leur monde restreint, de ‘parvenir à l’extérieur’ comme le dit l’un d’eux.

Leur mouvement semble libre, facile, confortable ; ils ondulent, et paraissent exprimer en émotion ou rythme ce qu’ils ne peuvent exprimer en mots ou en action sociale conventionnelle.

Qu’ils puissent faire cela est une contribution aux qualités particulières de Mme Chace comme danse thérapeute, mais c’est aussi un rappel pour nous qu’il existe peu, sinon aucun, patient vraiment “inaccessible”.

Au milieu des années quarante, Chace présente son travail en dehors du St. Elizabeth et est engagée à Chestnut Lodge, un établissement psychiatrique, où elle travaillera pendant vingt-cinq ans.

Au début des années soixante, Chace s’installe à New York où elle met en place à la Turtle Bay Music School le premier programme de formation en danse thérapie.

Peu après, elle est invitée en Israël par l’Académie de Musique et de Danse et le Ministère de la Santé.

Son travail est connu par quelques psychiatres et cette invitation s’avérera comme un essai réussi de diffusion de son enseignement.

Martha Graham est déjà présente en Israël, elle est en effet, directrice artistique de Bat cheva, première troupe israélienne de danse moderne.

En 1966, Marian Chace fonde l’Association de Danse Thérapie, dont, à la suite d’une élection, elle devient la première présidente.

Elle a su utiliser la danse comme outil de communication directe, d’expression, et d’interaction.

Chace laisse aussi derrière elle sa propre technique de thérapie de groupe, une méthode de traitement cohérente, complète, indépendante.

Et aussi des outils spécifiques, notamment le mirroring. Elle décède en 1970.

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Lecture :

CHACE, Marian, « Dance as adjunctive therapy with hospitalized patients. in Bulltin of the menninger Clinic, Vol 17, 1953.

CHAIKLIN, Harris, « Marian Chace : Her Papers », in American Dance Therapy Association, 1975.

CHAIKLIN, Sharon, SCHMAIS, Claire (1979), The Chace approache to dance therapy, in Lewis P. Theoretical approaches in danse therapy, US, Kundall/Hunt, 1986.

Mouvement des profondeurs, mouvement authentique

Mouvement des profondeurs, mouvement authentique

« La danse appartient au silence de l’esprit »

Ruth Saint-Denis

 

Le mouvement des profondeurs

Mary Whitehouse est l’initiatrice, sur la Côte Ouest des États-Unis, de la découverte de soi à travers le mouvement.

Ses études intensives de danse moderne avec Mary Wigman à Dresde en Allemagne ont profondément influencé son approche thérapeutique, mettant l’accent sur la créativité de la personne en mouvement.

Danseuse accomplie et professeur de danse moderne, elle se tourne vers les concepts de la psychologie des profondeurs, enseignés à l’Institut de psychanalyse jungienne de Zurich, pour développer sa technique de travail.

Elle enseigne à ses étudiants à se mettre en mouvement à partir d’une impulsion spécifique – qui retient la qualité d’une sensation corporelle – pour trouver dans l’inconscient ce qui met la personne en mouvement.

Les premiers travaux de Mary Whitehouse datent des années cinquante et sont publiés sous le titre Le mouvement des profondeurs.

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Le mouvement authentique

L’expression mouvement authentique est utilisée pour la première fois par John Martin en 1933 pour décrire la danse de Mary Wigman.

Pour Whitehouse le terme mouvement authentique implique un facteur émotionnel qui accompagne le mouvement de la personne, contrairement à un mouvement qui échoue à exprimer les émotions ou pensées implicites qui poussent la personne à l’expression.

L’adaptation de la technique d’improvisation de Mary Wigman, associée au processus d’imagination active de Jung, a produit un outil de travail thérapeutique qui intègre le mouvement à la perception des émotions.

Janet Adler, élève de Whitehouse, ajoutera dans les années 70 au concept de mouvement authentique le témoignage comme outil thérapeutique.

 

L’usage thérapeutique

Pendant la phase de mouvement authentique, le thérapeute intervient très rarement, il n’impose ni ne dirige le point de commencement (le démarrage) afin que le patient puisse observer et reconnaître sa propre motivation.

Cette technique invite la personne à bouger, d’habitude les yeux fermés et à plonger dans l’expérience tout en se laissant diriger par les sensations et les images que le corps révèle.

Cette écoute particulière permet l’ouverture du canal entre les sensations intérieures et l’action corporelle, celle-ci se trouvant à l’origine du mouvement authentique.

Selon l’approche de Mary Whitehouse, il y a une différence essentielle entre le mouvement dont l’origine est le « moi » et celui qui émerge de l’inconscient. Autrement dit : entre bouger et être bougé.

Dans cette forme de travail particulière, nous cherchons à ce que le patient devienne conscient de la différence entre ces deux forces opérant en lui.

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Le rôle du témoin

La contribution de Janet Adler à cette technique de travail est d’y avoir rajouté le rôle du témoin.

L’expérience se déroule en paires ou en cercle, le groupe se divise en deux, la moitié est dans le mouvement tandis que les autres sont témoins.

Cette approche se base sur la compréhension que le témoin cherche à voir avec la même intensité que le danseur cherche à être vu.

Après l’exercice a lieu le partage, d’abord de la personne qui était en mouvement, puis du témoin.

Le témoigne n’est pas une interprétation, mais une écoute à travers le corps, un vécu de soi que le mouvement de l’autre nous a permis.

Ainsi se construit une empathie corporelle, une capacité à ressentir le mouvement d’autrui à travers les émotions, les images, et les sensations que le témoignage nous a permis de vivre.

Le témoignage est un défi qui appelle à renoncer à la critique, au jugement et aux pensées pour rester dans le présent, connecté à ce qui émerge de l’intérieur de nous.

 

Lecture:

JANET, Adler, « Who is the witness ? », in Contact Quarterly danse and improvisation journal, Winter 1987.

WALLOCK, Susan Frieder, « An Interview with M.S. Whitehouse », in American Journal of Dance Therapy, vol 4, 1977, p. 45-57.

WHITEHOUSE, Mary Starks, ADLER, Janet, CHODOROW, Joan, Authentic movement, Ed., P.Pallaro, London, 1999.

Introduction à la métapsychologie du mouvement

Introduction à la métapsychologie du mouvement

La question psychosomatique

Chers amis et collègues, Yehoshua Bar-Hillel nous a transmis que la question que nous allons discuter aujourd’hui est l’une des plus anciennes de la pensée sur l’homme et, qu’en effet, il n’y a rien de nouveau à ajouter … ( et cependant) elle existe, et tous ceux qui ont tenté de l’éviter ont eu le privilège de voir la résurrection des morts[1]. (Yeshayaho Leibowitz)

La question psychophysique, qui est l’essence de la relation corps-esprit, est fondamentale pour l’appréhension de l’être humain.

Dans les temps anciens, la philosophie, la psychologie et la médecine consistaient en une seule pratique et la plupart des recherches tendaient à intégrer plutôt qu’à distinguer ces disciplines.

Au dix-septième siècle, lors de la révolution scientifique, la culture occidentale sépare l’âme du corps, et l’homme de la nature.

Cette approche permet à la médecine de se focaliser sur la recherche et la guérison du corps, le séparant de l’âme.

Ainsi, la recherche prend pour base la preuve scientifico-empirique.

 

L’introduction de la psychanalyse

Freud, à l’aube du vingtième siècle, note que le progrès de l’art de médecine moderne et de la science a permis des avancées au niveau du traitement du corps, toutefois ce progrès s’est accompagné d’un abandon de l’âme aux philosophes[2].

L’influence du corps sur l’âme a donc été bien étudiée par la médecine moderne, mais pas l’action de l’âme sur le corps. Ce que fera Freud avec l’invention de la psychanalyse.

La relation entre l’âme et le corps est une relation réciproque comme nous le transmettent la philosophe, la médecine et la psychanalyse.

Et si la médecine moderne a traité l’aspect corps-âme, et la psychanalyse l’aspect âme-corps, il serait temps aujourd’hui, au vingt et unième siècle, de traiter cette relation de complémentarité et de réciprocité.

Nous sommes conscient du défi que la nature du sujet impose, mais dans le même temps cette démarche nous apparaît incontournable dans le cadre de la médecine, et tout aussi incontournable dans le cadre du traitement psychique moderne défini par Freud : “la tentative d’éveiller chez le malade des états et des conditions psychiques propres à favoriser sa guérison”[3].

 

Le mouvement comme objet de recherche

La thérapie par la danse et le mouvement, institutionnalisée en 1966 (USA), comme profession thérapeutique est basée sur la présupposition que le corps et l’esprit (body-mind relation) sont liés.

L’exigence préalable d’une connaissance intime du mouvement et du corps réduit de façon significative le nombre de personnes aptes à traiter par cette méthode thérapeutique.

Pour les danseurs attirés par la compréhension du psychisme (la psyché) et le souhait de devenir thérapeute, cette méthode présente des possibilités uniques.

Danseuse professionnelle, je me suis formée à la danse thérapie après des études de psychologie.

Au cours de ce cursus mixte, la question de l’influence réciproque corps-psyché a pris corps en moi.

métapsychologie du mouvement-

Du côté de la théorie, j’ai trouvé des réponses sur l’influence réciproque de la psyché et du soma, mais très peu sur l’utilisation de cette influence dans le cadre d’un traitement psychothérapeutique.

Dans la tentative de mieux comprendre leur lien, je me suis tournée vers la pratique du Yoga, et j’y ai trouvé une philosophie préoccupée par l’influence corps-esprit-spiritualité, mais pas par la psychopathologie. 

J’ai rencontré cette question de la relation du corps et de l’esprit, au cours de ma pratique aussi bien en institution psychiatrique, en hôpital général, en unité pour patients à risque qu’en pratique privée.

Mon questionnements ’inscrit dans un cursus académique, et de ce fait, je me suis trouvée face à une problématique de théorisation.

 

La problématique de la recherche

En effet, l’approche spirituelle du yoga de la relation corps-esprit n’est pas accueillie par le discours scientifique et par l’académie.

L’approche psychanalytique favorise la description de processus psychiques du point de vue psychique, mais néglige le rapport bi-directionnel des processus liés au corps et à l’esprit.

L’approche de la psychologie dite scientifique se désintéresse des processus psychiques profonds et de l’accompagnement nécessaire à un individu pour qu’il y ait changement.

Il me manquait donc les outils pour mener une recherche sur cette relation corps et esprit, d’autant plus que la thérapie par la danse et le mouvement ne fait pas encore l’objet de recherche.

 

Le mouvement un outil thérapeutique

L’expérience et le raisonnement sont les modes effectifs de la connaissance, mais comme le monde académique opère sur la base du raisonnement, il nous reste la tâche de trouver les métaphores et la méthodologie pour expliciter l’importance du traitement psychosomatique et l’effectivité du travail thérapeutique avec le mouvement.

La nature énigmatique de la relation psychosomatique couplée aux exigences académiques d’un discours scientifique s’est présentée à nous dans toute sa puissance dans l’écriture et la lecture de ce travail de recherche.

métapsychologie du mouvement-

La relation corps-âme définie pour la philosophie ce qu’est un homme.

La principale difficulté est de conceptualiser le déséquilibre de cette relation en termes de psychopathologie quand le concept même d’équilibre corps et esprit n’est pas théorisé.

Pour surmonter cette difficulté, nous avons fait retour à la pensée métaphysique des philosophes Aristote et Descartes et à la métapsychologie de Freud, et ensuite poser notre postulat : l’action du corps, autrement dit le mouvement, est une faculté commune au composé corps et âme, qu’est l’homme.

A partir de cela, nous tentons de définir le mouvement comme expression psychique. 

Ce chemin doit servir à théoriser l’utilisation du mouvement comme outil thérapeutique dans le cadre de la thérapie par la danse et le mouvement, à définir le déséquilibre psychosomatique à partir de la clinique de la danse thérapie et le traiter.  

La connaissance des pathologies mentales et des théories analytiques est essentielle pour comprendre la pathologie de la relation psychosomatique et analyser les résultats cliniques de la thérapie par la danse et le mouvement.

En effet, il s’agit avant tout dans cette recherche de méthode et de clinique par la danse et le mouvement.

métapsychologie du mouvement

L’équilibre psychosomatique

Si le mouvement comme outil thérapeutique concerne un champ restreint, en revanche l’équilibre psychosomatique ou la relation corps et esprit intéresse la thérapeutique au sens large.

Selon les termes de Yoram Yovel, psychanalyste, psychiatre et neurologue :

Le travail psychothérapeutique implique certaines hypothèses importantes en ce qui concerne le rapport entre le corps et l’esprit, dans la manière dont le thérapeute formule ce lien, que ce soit de manière consciente ou de manière inconsciente.
Cette formulation a un impact très important sur la thérapie, plus particulièrement lorsqu’il y a des difficultés ou lorsqu’elle est ‘bloquée’[4].

La thérapie par la danse et le mouvement appréhende le mouvement du corps à la fois comme un outil diagnostique et outil thérapeutique.

Elle utilise la danse et le mouvement pour permettre au patient de narrer son histoire au niveau conscient et inconscient à travers l’action du corps.

En danse thérapie, le patient est invité à découvrir et examiner son vécu psychosomatique (corps-psyché).

Mais aussi prendre connaissance des contenus psychiques inconscients et des mémoires refoulées à travers le mouvement et les émotions que ce dernier réveille.

Le processus permet au patient d’être attentif aux signaux du corps, de leur faire confiance, et de se sentir à l’aise dans son vécu physique ; ce processus encourageant l’acceptation et la connaissance de soi.

Selon ce domaine, les corps deviennent au cours des années une autobiographie où les postures du corps et les tensions musculaires reflètent des attitudes psychiques adoptées pour faire face aux événements de la vie[5].

L’objectif du travail avec la danse et le mouvement n’est pas seulement de sensibiliser le patient aux messages transmis par le corps, mais de l’encourager à s’exprimer à travers le corps.

Le rôle du danse thérapeute est d’aider le patient à construire et à enrichir la relation entre le corps et la psyché pour renforcer les forces de guérison, mais aussi de l’aider à élargir sa communication avec l’environnement[6]. Dans ce travail, le patient et le thérapeute sont tous les deux en mouvement.

En effet, la relation thérapeutique, le transfert, s’instaure à travers le mouvement à deux. 

Cette instauration du transfert, spécifique à la thérapie par la danse et le mouvement, est déployée dans le corps de cette recherche.

La parole associée au mouvement et aux émotions qui surgissent, permet aux expériences vécues au niveau préverbal d’être associées aux comportements présents du patient.

 

Pour conclure sur la métapsychologie du mouvement

Puisque la danse thérapie utilise le corps pour atteindre les processus psychiques à travers le mouvement thérapeutique, l’influence du traitement a lieu à la fois au niveau du corps et au niveau psychique.

Ce qui en fait une thérapie psychosomatique.

Le corps, dans cette recherche, est un espace physique-émotionnel-psychique.

Le mouvement exprime de façon active les besoins et les désirs de l’homme, créant ainsi un dialogue avec son entourage.

Ce corps, comme nous l’approchons, est un corps en mouvement dont le langage est structuré par des représentations psychiques et par des règles d’enchaînement physiologique.

Il n’est pas appréhendé sous l’angle médical, même si nous reconnaissons l’importance de ce domaine.

En effet, le but de cette recherche n’est pas de discuter de physiologie, d’anatomie, de processus organique, mais de conceptualiser le mouvement comme expression psychique et outil thérapeutique.  

[1] Leibowitz, Y., (1975), Body and Mind (hébreu) Ministère de la défense, Israël, 1986, p.11.

[2] Freud, S., (1890), « Traitement psychique (traitement d’âme) », in Résultats, idées, problèmes I, Paris, PUF, 1984.

[3] Ibid., p. 11.

[4] LEIBOWITZ, Y., KAHENMANN, D., YOVEL, Y., Mind and brain: Fundamentals of Psycho-Physical Problems. Jérusalem, Van Leer Institute, 2005, p.81.

[5] SHAHAR-LEVY, Y., The visible body reveals the secrets of the mind: A body-movement-mind paradigm (BMMP) for the analysis and interpretation of emotive movement, Jerusalem, Author’s Hebrew edition, 2004.

[6] BARTENIEFF, I., « Dance Therapy: A New Profession or a Rediscovery of an Ancient Role of the Dancer? », in Dance Scape, Vol 7, 1972, p. 25-35.

Une interprétation de l’héritage des pionnières

Une interprétation de l’héritage des pionnières

La thérapie par la danse et le mouvement débute au cours des années quarante aux USA, initiée par des danseuses contemporaines qui cherchent un passage d’une danse classique-performante à une danse expressive-émotive.

Cette méthode psychothérapeutique est fondée sur la présupposition que le corps et l’appareil psychique sont liés, et donc que chaque processus est vécu aussi bien au niveau du corps qu’au niveau émotionnel.

Ceci se manifeste dans la pratique et la clinique comme capacité à mobiliser les forces et les outils de l’appareil physique pour traiter les pathologies émotionnelles.

La conception dominante dans ce domaine est que le corps conserve les traces d’expériences anciennes sous forme de tensions musculaires et qu’il possède les moyens de raconter ces expériences à la façon d’une autobiographie.

A travers le mouvement-émotionnel, nous cherchons à retracer l’histoire du patient là où les symptômes névrotiques ne lui permettent pas de former des chaines de pensées.

De la pratique transmise par les pionnières et les thérapeutes qu’elles ont formées, nous, en l’espèce, il s’agit d’un je, pouvons exposer les fondamentaux de la méthode telle que nous l’utilisons[1].

Ils sont au nombre de trois : l’échauffement, l’improvisation, la verbalisation. Ces notions sont revisitées à partir de notre expérience clinique.

L’échauffement, une cartographie du corps

« Ce n’est pas une gymnastique, c’est une prise de conscience »[2]. (Maurice Béjart)

L’échauffement est un processus de relâchement des excès de tensions visant à guider l’individu dans un état intermédiaire entre relaxation et tension, et ainsi ouvrir à un état de réceptivité aux sensations corporelles, aux émotions, et à la possibilité d’expression active.

Comme nous l’ont présenté Chace, Evan et Schoop, l’échauffement vise à reconnecter les personnes à la réalité psycho-physique du moi, et prépare le corps au travail technique, et à l’expression des pensées et des émotions qui seront évoquées à travers le processus d’improvisation en mouvement.

Pour nous, l’échauffement est utilisé pour la prise de conscience du corps : poser le corps, mettre en mouvement chaque partie du corps, posant ainsi une « cartographie du corps » qui ensuite sera mis en mouvement.

Sous le terme « cartographie du corps », nous entendons à la fois un processus physique et cognitif.

Les membres sont investies par la sensation du mouvement et appréhendés par la connaissance de l’ordre de leur disposition physique.

Ainsi la carte du corps est posée, pas seulement en tant qu’image statique, mais comme corps en mouvement que le sujet utilise pour s’exprimer.

En aidant le patient à clarifier son mouvement et à élargir son répertoire, son identification à son propre corps et son implication dans sa propre expression peuvent alors s’unifier.

Le corps devient un lieu connu que le sujet s’approprie, et le mouvement son langage d’expression.

Pour tout sujet, plus particulièrement pour ceux atteints de diverses pathologies, il est utile que soient renommées chacune de ces parties, rappelées comment elles se structurent pour qu’il puisse en prendre conscience.

En effet, il est impossible de débuter un mouvement sans que le corps soit sensibilisé.

Cette étape peut si le patient le souhaite s’accompagner de musique, une musique dans ce cas qui aurait sa préférence.

Il est possible de le laisser diriger l’échauffement pour trois raisons : soit dans une démarche d’enseignement des actions nécessaires pour libérer les tensions musculaires, soit pour encourager la prise en charge de soi, soit pour l’affirmation du moi.

Quand il s’agit de séance de groupe, nous suivons les préconisations de Chace auxquelles nous ajoutons la « cartographie du corps ».

Dans le deuxième chapitre de cette recherche, plus spécifiquement dans les analyses cliniques, nous exposerons comment nous nous servons de cette cartographie du corps dans le cadre d’un travail thérapeutique.

Ensuite, nous utilisons l’échauffement pour promouvoir l’interaction, chaque participant propose un geste qui sera ensuite repris par le groupe dans une chorégraphie collective comme le faisait Chace[3].

Avant de conclure l’échauffement, nous demandons au patient comment il se sent, et vérifions si une partie spécifique du corps aurait besoin d’une attention supplémentaire.

Cette phase est souvent utilisée pour travailler les différentes parties du corps de façon isolée (seulement les épaules, ou seulement le bassin, etc.), dans l’optique de prendre conscience des tensions spécifiques et du fonctionnement mécanique de chaque membre, pour pouvoir ensuite les intégrer dans un mouvement fluide.

L’improvisation, la phase du mouvement libre

Il y a d’abord l’apprentissage et l’exercice technique… Ensuite vient l’éveil de la personnalité, par laquelle passe ce que l’on porte en soi. […] L’essentiel, bien entendu, est de savoir que chacun est unique au monde… [4](Martha Graham)

Au cours d’une séance, ce processus est généralement initié par le thérapeute pour encourager le patient à s’exprimer à travers le mouvement spontané et libre.

Le thérapeute invite la personne à bouger, avec ou sans musique, selon la préférence du patient à ce moment, l’encourageant à dépasser les premiers moments de timidité et d’hyper-conscience de soi.

Cette phase vise à créer un espace où le patient peut narrer sa vie. Dans cette optique, plusieurs outils  peuvent être utilisés musique, mise en scène, etc.

Comme nous l’explicite Whitehouse, dans ses travaux, quand le corps est mis en action, un mouvement constant d’informations va de l’inconscient vers le conscient, créant une  narration gestuelle[5].

Pendant ce temps, le thérapeute, en position de témoin, encourage le patient à extérioriser et exprimer les gestes et les mouvements qui apparaissent par le regard et la présence attentive, ou si nécessaire par les mots. Pour le thérapeute entraîné, chaque apparition d’un mouvement arbitraire peut immédiatement être détecté.

Il est le signe d’une interruption de la concentration et généralement prend la forme d’un schéma de mouvement habituel ou l’individu se sent “à l’abri”.

Ce mouvement, la plupart du temps, vient signaler l’irruption d’un contenu perturbant, ou la crainte de s’engager plus profondément dans l’exploration de l’inconnu[6].

Le mouvement libre, comme le définit Martha Graham, est composé d’une coordination harmonieuse des membres du corps, de leur variété d’action, vers un rythme établi de contraction et détente[7].

Un tel mouvement est fluide et paisible, ne souffre d’aucun blocage, est économique en terme d’énergie, tout en étant capable de concentrer des forces opérant avec vitesse et précision quand cela est nécessaire[8].

A travers une telle connaissance du corps et de son mouvement,  la personne acquiert une sensation de contrôle de soi et de l’espace.

Elle reconnaît les possibilités de changement directement ou de façon détournée, se sent à l’aise dans cette sensation et l’utilise ouvertement pour ses besoins et son expression.

Cette coordination corporelle se base sur la perception de la structure du corps, de son poids, de l’espace et du temps, et permet de choisir les bons points d’appui pour garder un équilibre ;  un équilibre qui est la clef de la gestion corporelle[9].

En effet, un mouvement déséquilibré entraîne une tension musculaire et un inconfort résultant de l’effort, autant psychique que corporel.

Et donc la capacité de libérer les membres qui ne font pas partie du mouvement, de choisir le mouvement apte à servir de la façon la plus efficace le besoin du moment, de s’abstenir de tout effort superflu et de conserver les forces du corps, adoucit l’effort psychique que l’expression corporelle exige et permet d’ajuster le mouvement au rythme pulsionnel.

 

La verbalisation, le temps de parole

 Je me risque à dire que la danse ne peut être complètement intellectualisée sans perdre de son audience et de son essence même[10]. (Doris Humphrey)

Contrairement à ce que les personnes ont tendance à penser, la thérapie par la danse et le mouvement ne néglige ni ne s’oppose à aucun moment à l’aspect verbal de la thérapie ou de la communication.

La parole a une grande importance dans le processus thérapeutique, aussi bien que dans la pratique, comme nous l’avons vu dans la présentation des pionnières.

La mise en mots est utilisée pendant les séances pour servir différents objectifs : identifier les parties du corps, encourager le mouvement, stimuler l’imagination et communiquer avec les patients.

Il faut noter que la réaction motrice à certains mots et idées peut être utilisée pour aider le patient à développer son imagination, et que des questions directes peuvent lui permettre d’exprimer en mots et en mouvements les émotions, aidant ainsi à la clarification de l’expérience et des sensations vécues[11]. On consacre un temps spécifique à la parole.

Dans ce temps, on encourage le patient à exprimer ses mouvements personnels “à sa façon” pour augmenter sa conscience et sa sensibilité au mouvement en tant qu’expression créative et individuelle.

L’aspect verbal est généralement utilisé pour l’étape du rassemblement, de la synthèse et de l’organisation des mouvements, des sentiments et des pensées qui ont créé l’expérience.

Le pré-supposé de la danse thérapie est que le corps et l’esprit sont en relation (a body mind relation).

Il y a l’idée que le comportement corporel reflète des états émotionnels intérieurs, et que le changement des schémas de mouvement peut entraîner la mobilisation des états psychiques.

Raison pour laquelle nous mettons l’accent sur le retour à la réalité somatique pour réveiller la source première-préverbale de l’expérience psychique.

A travers le mouvement libre, nous cherchons dans la danse thérapie à harmoniser la relation corps et esprit, perturbée par les pathologies mentales. 

 

[1] Le protocole de séance change lorsque nous travaillons avec un groupe ou en séance individuelle.

[2] Béjart, M., Lettres pour un danseur, op. cit., p.20.

[3] Chaiklin, H., Marian Chace : Her Papers, op.cit.

[4] Graham, M., Mémoire de la danse, op. cit., p.10.

[5] Whithouse, M.S., Adler, J., Chodorow, J., Authentic movement, op.cit.

[6] Chodorow, J., Therapy and depth psychology: the moving imagination, op. cit.

[7] Graham, M., Mémoire de la danse, op.cit.

[8] Humphrey, D., (1959), Construire la danse, op. cit.

[9] Graham, M.,  Mémoire de la danse, op. cit.

[10] Humphrey, D., (1959), Construire la danse, op. cit., p.187.

[11] Chace, M., Dance as adjunctive therapy with hospitalized patients, op.cit.

Le mouvement dansé : utilisation psychothérapeutique

Le mouvement dansé : utilisation psychothérapeutique

« Il faut toujours se rappeler que la danse est unique en ce qu’elle est mouvement. Unique également de par son pouvoir d’évoquer l’émotion à travers son vocabulaire, d’éveiller le sens cinétique, de dire les subtilités du corps et de l’âme »[1]. (Doris Humphrey)

 

La première génération

Les pionnières de la danse thérapie apportent avec elles leur expérience de la danse moderne, qui est une attitude de non-jugement envers les préférences de mouvement de l’individu, la quête d’un développement personnel d’expression, et l’accentuation de l’expression à travers un mouvement non-interrompu et improvisé[2].

Ce mouvement non-interrompu s’oppose au cadre structurant l’espace du mouvement que peut utiliser le danseur dans le ballet classique.

L’héritage du monde de la danse moderne deviendra le fondement à partir duquel chaque pionnière construira sa pratique de danse thérapie, suivant les besoins des différentes populations et du cadre de travail.

A la fin des années cinquante, la danse thérapie utilise déjà d’un large spectre de formes d’interventions, et des éléments qui composeront la théorie émergeante.

Continuant à explorer la puissance de la danse et du mouvement, se développe un intérêt pour mieux comprendre la nature de la psyché et l’influence que la danse pourrait avoir sur la personne.

C’est ainsi que la thérapie par la danse et le mouvement se développe comme discipline par l’intégration de l’art de la danse dans le traitement des pathologies mentales et dans la quête de l’expression individuelle.

Les fondements de la théorie et de la pratique de la Thérapie par la Danse et le Mouvement (DMT), se structurent à partir de deux courants principaux de la danse moderne, et autour de cinq pionnières principales : Marian Chace, Mary Whitehouse, Trudi Schoop, Blanche Evan et Irmgard Bartenieff, qui développent un large éventail de méthodes cliniques encore utilisées aujourd’hui.

Il est à noter que l’on ne trouve pas de vignettes cliniques, il y a simplement disséminés dans les textes quelques exemples du travail clinique.

Marian Chace (1898-1970) est la grande dame de la danse thérapie.

Outre sa contribution à la pratique auprès de patients psychotiques, elle a été la première présidente de l’Association Américaine de Danse thérapie, et a joué un rôle de premier plan dans l’initiation et la formation des danses thérapeutes.

Sa méthode de travail est encore actuellement l’une des plus utilisées et, plus particulièrement, son travail sur le groupe, connu comme Le cercle de Chace[3].

Mary Whitehouse (1911-1979) est l’initiatrice, sur la Côte Ouest, de la découverte de soi à travers le mouvement. Ses premiers travaux datent des années cinquante et sont publiés sous le titre : Le mouvement des profondeurs.

Elle s’assume plus tard comme danse thérapeute et écrira :

« Bizarre, mais je suis devenue une danse thérapeute sans le réaliser, simplement parce que cela n’existait pas quand j’ai débuté[4]. »

Trudi Schoop (1903- 1999) danseuse, chorégraphe et pantomime, développe sa pratique en danse thérapie dans les années quarante au Camarillo State Mental Hospital, en Californie, avec des patients psychotiques. Elle publie en 1974 Won’t you join the dance,  l’un des livres fondamentaux.

Blanche Evan (1909-1982) danseuse et chorégraphe, se tourne vers la danse thérapie, après une longue carrière sur scène, pour se spécialiser dans le travail avec les adultes névrosés.

Elle pratiquera pendant vingt-cinq ans aussi bien en séance individuelle qu’en séance en groupe.

Irmargde Bartenieff (1900-1981) est la pionnière de l’intégration de l’Analyse du Mouvement selon Laban à la danse thérapie.

La technique de Laban présente une analyse du mouvement et un système de notation qui permet au thérapeute de décrire le mouvement du patient à travers un langage spécifique[5].

Bartenieff crée sa propre technique de travail appelée les fondements de Bartenieff, une approche rééducative à l’organisation motrice des personnes souffrant de troubles organiques et psychiques.

La deuxième génération

Les élèves des pionnières sont les premières à se former directement à la danse thérapie, en tant que pratique.

Sharon Chaiklin, élève de Chace, écrit, en 1974, le premier article qui pose les compétences nécessaires avant tout engagement dans la formation et les exigences de la danse thérapie pour continuer à l’exercer. [6]

Joan Chodorow, élève de Whitehouse et de Schoop, publie ce que l’on va appeler « un classique ».

Pour elle, l’expérience émotionnelle et le cognitif forment ensemble l’intégralité de la personne, aussi défend elle l’articulation pendant la séance, la nécessité de lier les sensations  aux mots.

Janet Adler, aussi élève de Whitehouse, ajoute au concept de mouvement authentique le témoignage comme outil thérapeutique, parce que le thérapeute (témoin) cherche à voir clairement, avec la même intensité que le patient (danseur) cherche à être vu.

Penny Lewis, élève de Chace et Bartenieff, fait appel au gestaltisme dans sa pratique. Raison pour laquelle, elle introduit d’autres expressions artistiques, soutenant que : pas tous les patients peuvent accéder directement au mouvement.

Yona Shahar Levy, présidente de l’Association de la thérapie en Israël. Linguiste et professeur de yoga à la base, elle développe un paradigme psycho-moteur pour l’analyse du mouvement émotionnel.

Selon elle, dans chaque mouvement existe un élément psychique, et chaque posture corporelle est en même temps un état émotionnel. [7]

La danse thérapie, selon nous, cherche à décomposer le mouvement en rythme-émotionnel (pulsion) et expression-corporelle (décharge) pour ensuite le reformuler en une expression consciente, intégrant le corps pour communiquer et élaborer les émotions en pensées.

Autrement dit, à quelle émotion correspond le mouvement chez un patient en particulier et quel est le rythme de façon à ce que l’on puisse le rejoindre là où il en est.

L’aspect créatif de la danse, dans son utilisation psychothérapeutique, propose un cadre sécurisé pour explorer et observer les émotions, tout en sensibilisant l’individu aux relations entre le ressenti intérieur et son expression extérieure.

L’aspect artistique de la danse thérapie ouvre la pratique à de nombreuses formes d’interventions, permettant au thérapeute de s’adapter à différents cadres et pathologies.

Le choix de la forme d’accompagnement se crée au cours du développement de la relation thérapeutique, laissant au thérapeute le temps et la liberté de s’ajuster aux besoins et au niveau d’expression disponible de l’individu.

Les objectifs de base de la thérapie par la danse sont à la fois semblables et différents, selon Chaiklin, de toute autre psychothérapie :

  • la prise de conscience de soi
  • le bien-être
  • une plus claire perception d’autrui
  • le développement de relations satisfaisantes
  • la reconnaissance et le développement de la capacité de choix chez l’individu.

Simultanément, la danse et le mouvement œuvrent avec le patient vers l’achèvement d’un corps bien portant ; un corps non figé par des conflits, des tensions, des déformations, ou incapable de toute action libre dans l’expression des différentes parties de la personnalité[8].

Pour Sharar Levy, le corps en soi est une source de mémoire, de réaction et d’apprentissage.

La connaissance de soi est étroitement corrélée à la compréhension des façons dont notre corps réagit aux différents conflits et au stress de la vie quotidienne[9].

La danse thérapie met en place un cadre qui permet la prise de conscience du corps, utilisant le mouvement pour réveiller les réactions intuitives liées aux émotions et à la mémoire émotionnelle.

Ainsi le corps devient libre dans sa capacité à décharger les états de stress et les émotions puissantes qui font partie de l’existence humaine, et un équilibre, selon elle, corporel et psychique est préservé.

En encourageant l’expression physique des états émotionnels, et la mise en acte des rêves et des pensées, l’individu entre en contact avec les mémoires précoces préalablement enregistrées dans la musculature, en dehors de la conscience.

Cette expression ouvre la possibilité d’un relâchement expressif-libérateur, au niveau corporel et verbal, de contenus émotionnels bloqués ou refoulés[10].

Quand la personne est fragile et que l’intensité des émotions risque d’être trop forte, le mouvement doit être structuré selon des schémas non-émotionnels ; l’approche est plus technique.

En groupe, si l’expression démonstrative de la colère risque d’être trop opressante pour les personnes, il convient de faire appel à des mouvements énergétiques ayant la même décharge musculaire, mais qui éliminent les connotations émotionnelles conscientes.

Le thérapeute devrait aborder le mouvement du patient au niveau où ce dernier est, ce qui lui donne le sentiment d’être compris et permet au thérapeute de modifier et restructurer les différents schémas[11].

Une grande partie du travail en danse thérapie a débuté dans des hôpitaux psychiatriques avec des patients souffrant de pathologies mentales sévères, comme nous le montre les biographies des pionnières.

Ces patients sont capables d’exprimer certains besoins à travers le mouvement, ce qui exige du thérapeute une capacité unique d’ouverture à la communication, et la capacité d’y répondre directement[12].

La mise en mouvement des patients renfermés et dépressifs est une fonction importante de la danse thérapie.

Le mouvement, aussi petit ou subtil soit-il, est la forme disponible de communication pour ces individus.

En effet, la peur ou toute autre émotion intense entraîne un profond isolement et les mots sont utilisés plus comme barrière que comme moyen de communication.

A ce niveau, des mouvements de base et des mouvements rythmés deviennent une façon effective de rompre cet isolement[13].

La grande sensibilité aux mouvements du thérapeute est une forme de communication de ces patients.

On peut donc établir une relation sans qu’elle en passe par la parole.

Quelle que soit la sévérité de la pathologie, il est possible de démarrer un travail sur cette base, à la condition que le thérapeute dispose d’un riche éventail de mouvements, qu’il soit conscient de ses propres réactions et du message qu’il transmet à travers son propre corps[14].

La communication doit être directe et simple, puisque le mouvement est une réflexion authentique du moi, une réflexion qui ne peut être masquée par des mots[15].

Etant donné que la danse est un mouvement corporel, les émotions qui sont exprimées et communiquées peuvent être vécues et utilisées directement en thérapie.

Elles n’ont pas besoin d’être symbolisées par des mots, mais peuvent rester à l’état d’émotions expérimentées[16].

Cependant, la verbalisation ne doit pas être négligée car il existe un besoin de développer des processus cognitifs de pensées en relation au mouvement[17].

La liaison des mots aux mouvements exprimés implique plus profondément l’individu dans son ressenti ; le niveau de la discussion dépendant de la capacité du patient à aborder les contenus par le langage.

La thérapie devient un travail commun de découverte du monde intérieur du patient, de ses schémas relationnels, et de son approche de l’environnement.

Dans la clinique, l’individu et l’expérience personnelle sont au centre du processus, et donc le thérapeute travaille avec les schémas corporels existants plutôt qu’avec des formes stylisées de danse comme le ballet ou les danses traditionnelles.

Il est en effet essentiel de rester conscient de l’environnement culturel, dans la mesure où la façon dont les individus utilisent leur corps et l’espace est liée à leur héritage culturel, et n’est pas forcément signe d’un problème émotionnel.

La structure établie dans le cadre des séances devrait premièrement être rassurante et encourageante, le mouvement est perçu comme une expérience libératrice ; il y a même du plaisir dans l’expression de la douleur et de la colère si celles-ci ont été trop longtemps retenues.

Le mouvement n’est jamais vrai ou faux, il peut parfois être inapproprié ou limité, mais il reste toujours l’expression individuelle d’une réaction à un moment donné. Ce que Mary Whitehouse formule ainsi : 

C’est la sensation de danser qui est importante et pas le discours concernant ce que le corps ne peut pas faire, de ce qui est naturellement disponible, de la joie du rythme et de l’énergie qui est leur héritage légitime…

J’ai remarqué que plus je pouvais approfondir la sensation du ressenti de la personne (celle qui bouge), plus expressif, il devenait, et plus la clarté émergeait[18]

 

[1] Humphrey, D., (1959), Construire la danse, Paris, L’Harmattan, 1998, p.45.

[2]Lewis, P., Theoretical approaches in dance-movement therapy, US, Kendall/Hant Publishing Co., 1986.

[3]Chaiklin, S., Wengrower, H., The Art and Science of Dance/Movement Therapy, New York, London, Routledge, 2009.

[4]Wallock, S.F., « An Interview with M.S. Whitehouse », in American Journal of Dance Therapy, Vol 4, 1977, p. 51.

[5] Système de notation en annexe 

[6] Chaiklin, S., « Curriculum development in dance therapy », in Dance therapy : focus on danse VII by Kathleen Criddle Mason, Washington, Hahper, 1974.

[7] Sharah Levy, Y.

[8] Chaiklin, S., Dance therapy, op. cit.

[9] Shahar Levy, Y., The visible body reveals the secrets of the mind : A body-movement-mind paradigm (BMMP) for the analysis and interpretation of emotive movement, Jerusalem, Author’s Hebrew edition, 2004.

[10] Ibid.

[11] Chaiklin, S., Dance therapy, op. cit.

[12] Chace, M., (1953), Dance as adjunctive therapy with hospitalized patients, op. cit.

[13] Chaiklin, S., Schmais, C., (1979), «The Chace approache to dance therapy», in Lewis P. Theoretical approaches in dance therapy, US, Kundall/Hunt, 1986.

[14] Schoop, T., (1978), Motion and Emotion, op. cit.

[15] Chaiklin, S., Dance therapy, op. cit.

[16] Schott-Billmann, F., Le Besoin de Danser, op. cit.

[17] Adler, J., Offering from the Conscious Body : The Discipline of Authentic Movement, Rochester, Inner Tradition, 2002.

[18] Whitehouse, M., (1963). Physical Movement and Personality, op. cit., p.63.